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Créer une aire de ponte pour batraciens

Publié le par le père Lenoir

Grenouilles en phase d'accouplement et de ponte

Grenouilles en phase d'accouplement et de ponte

Avec mars qui arrive, c'est l'heure du réveil de la plupart des batraciens, qui vont chercher un lieu propice pour "élever" leurs petits. Si chaque espèce a ses propres habitudes, on trouve cependant un goût commun pour certaines configurations.

Malheureusement, les activités humaines nuisent grandement à ces biotope qui sont souvent devenus trop rares et les batraciens, sensibles tant à la pollution (dont celle par les œstrogènes des pilules contraceptives et les perturbateurs endocriniens qui pénètrent dans leur organisme au travers de leur épiderme particulier) qu'aux roues des voitures qui les écrasent par milliers chaque soir en cette période de déplacements, doivent en outre affronter la raréfaction de leurs milieux de prédilection.

Certes, la grenouille, le crapaud ou la salamandre ne sont pas des canons de beauté, mais ils restent des maillons essentiels de la chaîne alimentaire, et des écosystèmes en général. S'il n'est pas possible de les apprivoiser (une grenouille adulte cherchera le plus souvent à regagner son lieu de naissance) et qu'il n'est pas autorisé de déplacer adultes, œufs ou têtards, on peut cependant aménager des aires qui leur seront attractives et favorables pour la reproduction.

Si l'idéal est de créer ces espaces de façon "naturelle", directement dans une terre argileuse qui garde l'eau, il est cependant possible de les construire à l'aide d'une géomembrane (bâche à bassin) pour les étanchéifier au moins assez longtemps pour que la ponte ait lieu, et que les têtards aient achevé leur métamorphose et puissent migrer dans les bois, les fossés ou les étangs environnants suivant l'espèce à laquelle ils appartiennent.

Pour cela, il y a quelques règles simples:

-créer un espace peu profond (50 cm maxi) en pente douce et très végétalisé.

Avec 50 cm au plus profond, les têtards auront suffisamment d'eau jusqu'à la fin de leur métamorphose dans la plupart des régions (dans le pire des cas, faire l'appoint avec de l'eau de pluie), car il leur suffit de tremper. C'est cependant la zone la moins profonde qui sera la plus utile au moment de la ponte, car elle se réchauffe plus vite en début de saison et accueille des herbiers qui permettent aux mères d'accrocher leurs œufs, et de les expulser plus facilement.

Pour la constitution des herbiers, rien de plus simple: prenez des mottes d'herbe avec la terre qui les accompagne et placez-les directement sur la pente douce. Au besoin, calez-les avec graviers et cailloux (non tranchants, évidemment).

Vous pouvez améliorer la végétalisation avec des "vraies" plantes aquatiques comme la menthe aquatique, les Carex, la salicaire, entre autres.

Les plantes oxygénantes, telles les Hippuris, la Renoncule petite flamme (Ranunculus flammula) et les potamots donnent aussi d'excellents résultats et "meublent" rapidement ces espaces, offrant un couvert protecteur aux jeunes batraciens après éclosion, ainsi que de nombreuses possibilités de ressources alimentaires.

-Préférer les espaces ensoleillés. Toutefois, certaines espèce préfèrent l'ombre. Donc, si vous le pouvez faites les deux, mais si vous n'avez qu'un choix restreint, optez pour le soleil.

-Evitez dans la mesure du possible que les poissons puissent accéder aux sites de ponte.

Au Flérial (notre jardin expérimental), la frayère à grenouille est séparée des deux principaux bassins naturels par des massifs denses de Carex et de Pontederia, qui laissent passer l'eau sans laisser de place aux poissons. Evidemment, dans un milieu naturel ouvert communiquant directement avec d'autres plans d'eau ou rivière, vous prendrez soin de n'utiliser de préférence que des essences endémiques.

-Ne pas avoir de chat dans le coin. Malheureusement, nos amis félins ne rechignent pas à déguster les cuisses de grenouilles, ainsi que le reste du corps, même sans sauce à l'ail. Si vous avez des félins habitués à votre jardin, évitez donc d'attirer les grenouilles, car vous contribueriez alors à les attirer pour les éliminer par l'intermédiaire de votre redoutable prédateur domestique, dont les ronronnements ne doivent pas vous faire oublier l'effet délétère de son instinct sur la biodiversité de proximité.

Vous n'empêcherez pas la déprédation animale. Hérons, martins-pêcheurs, échassiers divers, canards, couleuvres à collier, couleuvre vipérine, dytiques et autres larves de libellules viendront invariablement prélever leur tribut sur les naissances. Si cela vous fait très mal au cœur, vous pourrez protéger une partie des pontes en retournant des caisses en plastique par-dessus ou en créant un "toit" de branchage. Mais n'oubliez pas que cela peut aussi créer des conditions que ne sont pas celles que recherchaient les femelles lors de la ponte.
Et, par ailleurs, c'est aussi pour ces prédateurs que les batraciens sont utiles... c'est aussi ça, la biodi
versité!

Un espace bien conçu pourra accueillir crapauds, grenouilles, mais aussi salamandres et tritons.

Un espace bien conçu pourra accueillir crapauds, grenouilles, mais aussi salamandres et tritons.

Voilà à quoi ressemblait cette semaine, après  les 10 premiers jours de ponte du printemps, notre frayère à Batraciens au Flérial. Oui oui, la grande tâche gris-noire au premier plan ce sont bien des milliers d’œufs.

Voilà à quoi ressemblait cette semaine, après les 10 premiers jours de ponte du printemps, notre frayère à Batraciens au Flérial. Oui oui, la grande tâche gris-noire au premier plan ce sont bien des milliers d’œufs.

Au Flérial, c'est ce massif de Carex riparia et Carex pendula qui sépare cette mare de l'aire de ponte, protégeant ainsi les têtards de la déprédation par les poissons.

Au Flérial, c'est ce massif de Carex riparia et Carex pendula qui sépare cette mare de l'aire de ponte, protégeant ainsi les têtards de la déprédation par les poissons.

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