Le retour du lotus, ou comment le printemps 2012 nous aura cassé les pieds
Après une saison de production extrêmement compliquée, avec son hiver doux jusqu'en janvier, calamiteux et glacial brutalement ensuite, son printemps froid et sec, puis froid et humide, et son début d'été aux allure d'octobre, il aura fallu développer des trésors de patience et de malice pour parvenir à faire subsister l'intégralité de la gamme, qui a payé un lourd tribut aux conditions météo.
Pour la première fois, nous avons vu disparaître des plantes qui, jamais auparavant, malgré nos hivers rigoureux (facilement -18°C tous les ans, parfois moins, et des bassins couverts de 30 cm de glace à chaque hiver) habituels dans ce coin de la Bourgogne, n'avaient autant souffert. La douceur du mois de décembre n'ayant pas incité les plantes à se mettre en repos végétatif, c'est alors qu'ils étaient en pleine pousse, voire en fleurs, qu'ils ont été cueilli par les températures négatives de janvier 2012 (presque 30°C d'amplitude thermique en moins d'une semaine). Un froid mordant, violent, descendu très vite en terre en causant des ravages jusque dans les champs de céréales et les forêts. C'est ainsi que des végétaux originaires de régions aussi froides que la Sibérie, le Canada et le Camtschatka ont purement et simplement calanché -passez-moi l'expression.
Comble du désespoir, après un court redoux en mars, un épisode de deux semaines à -10°C a achevé certains sujets qui montraient pourtant des signes de pénible redémarrage.
Le résultat fut sans appel: nous avons perdu au bas mot 1/3 des végétaux produits ou en cours de production, et ceux qui sont restés n'ont souvent pas pu être vendus, car devant être utilisés comme pieds-mères afin de relancer la production. Concernant les iris du Japon, nos quelques bambous et certaines variétés de plantes vivaces, nous avons accusé plus de 90% de pertes, constatées pour la plupart définitivement entre avril et juillet.
Comme ceci n'était pas suffisant, le chauffage qui conserve la principale serre hors gel est tombé en panne à diverses reprises, avec des températures enregistrées la nuit à -4°c à plusieurs reprises.
L'état des plantes mi-avril (elle devraient avoir meilleure mine!)
Pourtant...
Pourtant, nonobstant ces nombreux coups du sort, et souvent grâce à des sujets conservés en pleine terre ou récupérés de semis spontanés dans la pépinière, nous avons pu redémarrer. Les papyrus du Nil, Lotus, Thalias, mouchés par le gel dans la serre ont été nettoyés, divisés lorsque c'était possible, chouchoutés. La serre a ressemblé peu à peu à une Manhattan organique, où l'on a du empiler les rejetons a préserver des frimats qui sévissaient encore, en travaillant sans relâche pour être en mesure de répondre au mieux à le demande qui suivrait dès les beaux jours.
La serre en mars
C'est pour cela que nous n'avons que fort peu de lotus à vendre cette année, car il m'a semblé plus judicieux, dans une vision à moyen terme, de renforcer nos pieds mères, d'en reconstituer de nouveaux, afin de pérenniser la collection plutôt que de nouveaux sujets commercialisables de suite, mais de qualité médiocre parce que trop faibles. C'est aussi le cas pour la collection d'Iris, très affectée. Nous disposons donc de peu, mais bien...
Nelumbo nucifera (Lotus) pied-mère
Alors, ne vous offusquez pas, chers clients, nouveaux ou anciens, attirés par un article dans Rustica ou l'Ami des Jardins, ou une émission télé, lorsque je vous annonce qu'il nous reste fort peu de telle ou telle variété, et donne l'impression de ne pas vouloir vendre; c'est que je veux, par dessus tout, que les sujets qui partent chez vous soient solides, durables, robustes, et que cela puisse durer longtemps, sans avoir à jouer les revendeurs de plantes cultivées ailleurs.
Les plantes de la pépinière aquatique sont des "survivors"! C'est pour cela qu'il faut, par votre patience et votre compréhension, que vous les méritiez!!! Mais avouez que ça vaut le coup!
Nelumbo nucifera et Nelumbo lutea, pieds-mères fleuris cette année
Je profite, au passage, de cet article pour remercier chaleureusement nos nombreux clients nous ayant proposé de récupérer chez eux de quoi redémarrer notre culture de certaines espèces. Car, en effet, les sujets en place ont dans leur immense majorité parfaitement affronté cette année éprouvante, ce qui m'encourage plus que vivement à continuer de les produire de la façon rude et risquée qui est la nôtre!
Merci de votre confiance renouvelée!
La serre en mai. De nombreuses plantes ont déjà été sorties
Enfin, bien qu'il y ait quelques manques à l'appel, la pépinière ressemble quand même à autre chose aujourd'hui, et on a même de quoi en être plutôt fiers.
La pépinière, en juin 2012
Un Peltoboikinia watanabei, qui trouve sa place comme il peut dans la serre surchargée
Une fois encore, la solidité éprouvée de nos sujets nous aura permis de redémarrer, offrant une gamme de plus de 400 taxons de plantes aquatiques, vivaces, fougères pour le plus grand bonheur de ceux qui les découvrent... et de ceux qui les cultivent!
Pistil et étamines de Lotus. Leur splendeur est comme un remerciement pour notre patience...