Contre toute attente, il y a parfois de bonnes surprises.
Si nombre d'arbres et arbustes ont passé l'arme à gauche au terme de cet hiver humide, prolongé, de ce printemps calamiteux et de cet été terriblement sec, au bout du compte les dégâts sont moindres que prévus.
Hippuris, resté à sec depuis un bon moment, est de nouveau submergé sous le petit pont naturel en granit.
Certes, il a fallu payer son tribut à la nature pour qu'elle nous accepte dans cette ancienne jachère, mais -peut-être parce qu'on la respecte- les pertes sont finalement plus limitées qu'on l'aurait craint au regard de l'état des végétaux et des conditions météo. Cela me conforte dans l'idée que les plantations en mode "sauvage", avec un travail modéré du sol, un arrosage limité à son strict indispensable et un choix de végétaux adaptés à la situation (extrême) qui est la nôtre sont des gages de résistance et de reprise.
Dans ce terrain humide ou sec selon les saisons, les asters, Itea, Acer ginnala et triflorum, ainsi que divers Carex font merveille. Ils n'ont montré, au cours de leur première année de plantation, aucun signe de faiblesse
Chelone oblica et Rudbeckia sp. (lui s'est glissé là par surprise), les pieds à l'humidité toute la basse saison. Remarquez le (ou plutôt l'absence de) désherbage.
Ici, au Flérial, le sol est un milieu particulièrement fragile, soumis à de longues inondations asphyxiantes et des vagues de sécheresse estivale, le tout balayé par les vents, avec un très faible niveau de matière organique. Mais il y a de la vie!
De fait toute intervention trop violente déséquilibre l'activité souterraine, qu'elle soit bactérienne ou celle des invertébrés. C'est dans ce but que j'ai décidé de ne pas biner et, à la manière d'un Masonobu Fukuoka bourguignon, de me contenter d'un rare désherbage dont la récolte finira là même où elle a été arrachée.
Les schizostylis (Lys des cafres), plantés dans l'argile presque pure, commencent à fleurir en cette mi-octobre. Un tapis approximatif de mauvaises herbes arrachées aux alentours lui sert de paillage. Le massif prend forme sans en avoir l'air, hors de toute convention jardinière.
Buis, hémérocalles et spirées dans l'argile, sous couvert.
Cela porte apparemment ses fruits: en l'absence d'arrosage (deux arrosages à l'arrosoir sur les plus grands végétaux plantés cet hiver, lors des épisodes caniculaires uniquement) et d'entretien (un désherbage succint au printemps, un autre fin septembre, les plantes arrachées servant de paillage), je trouve le niveau de survie très acceptable, et la santé des plantes plus que satisfaisante.
Le test n'est pas tout à fait fini pour les Crocosmia, qui ont passé brillamment leurs premiers printemps et été dans la terre glaiseuse. L'hiver sera le vrai test, les bulbes redoutant l'excès d'humidité. Placés sur un talus, accompagnés d'autres plantes plus gourmandes en eau (Schizostylis, en l'occurrence), j'ose croire qu'ils ont une chance. Le Rhododendron, en arrière-plan, est quant à lui planté aussi dans une terre extrêmement argileuse, neutre, sans terre de bruyère. En l'ayant presque "posé" au sol, nous lui avons permis d'être dans des conditions saines et pauvres, propres à ses besoins.
Sur les nombreux arbres (1/3) que nous avons crus morts, une petite poignée semble donner des signes de reprise, que nous n'espérions plus. Les pommiers ne reviendront pas d'outre-tombe, mais les cerisiers aigres, les liquidambars, les tilleuls (sauf Tilia henryana) ainsi qu'une partie des frênes paraissent avoir recouvré des forces suffisantes pour déployer quelques feuilles ou, dans certains cas, juste garder une belle couleur "vert vie" sous leur écorce, attendant patiemment le moment opportun pour redémarrer.
Petite série de "survivors":
Liquidambar
Les Plaines blanches (Acer saccharinum) lancent une ultime salve
de jeunes pousses, que l'été leur aura
fait retenir et Aralia elata s'enflamme avant de s'éteindre pour l'hiver
L'aulne impérial (Alnus incana 'imperialis') en pleine santé,
et derrière lui l'un des frênes 'Raywood' survivants
Malheureusement, le Zelkova au premier plan n'aura pas résisté. Un jeune chêne semi-persistant (Quercus pseudotourneri) et un faux cognassier de Chine (Pseudocydonia sinensis) ont été implantés depuis sur de petites buttes près des défunts arbres, afin de profiter de l'amendement du sol que nous avions effectué au moment de leur plantation.
En une semaine d'intempéries, le terrain est de nouveau inondé sur une large portion, le rendant peu praticable et même risqué pour certains végétaux.
"L'allée d'eau", qui retrouve son aspect de la basse saison après un été à sec.
Les bassins se sont re-remplis, passant d'une torpeur assoiffée à leur plus haut niveau en quelques jours. Ce qui devait tremper re-trempe, et parfois ce qui ne devait pas se retrouver dans l'eau s'y retrouve à nouveau. Fameux test d'endurance!
Les prêles américaines et Miscnathus sacchariflorus retrouvent l'eau dont ils s'étaient affranchis depuis le mois de juin. Elle ne les quittera plus de l'automne et de l'hiver.
Les plantations d'automne ne sont pas simples. Inutile de dire que les essences doivent être sélectionnées pour s'adapter aux implacable conditions du site. Ici, Cornus sericea bayleyi
Pour les plus sensibles à l'excès d'humidité, les plantations se font sur butte. Dans tous les cas, le sol ne peut être entièrement tassé, pour éviter l'asphyxie.
Le Gunnera tinctoria aura bien profité de la fraicheur fournie par le merlon argileux dans son dos, qui aura fait l'office de tampon pendant la saison sèche
Les osiers délimitent la zone "civilisée" de la zone "sauvage". Ils auront résisté à tout, aidés par un unique paillage en début de saison.
Les butomes tirent leur élégante révérence avant de disparaître jusqu'au printemps prochain, tandis que les grandes et petites mains s'affairent tant que la saison le permet pour continuer l'élaboration du parc, dont les balbutiements nous offrent une incroyable gamme de couleurs automnales.
DERNIERE MINUTE!
Au-delà de mes espérances, d'autres arbres ont donné des signes de survie extrêmement réjouissants en cette fin d'année!
Il aura fallu attendre l'après Ste Catherine (25 novembre) pour voir apparaître de timides feuilles sur certains Liquidambars, charmes et surtout à la base de l'un de mes Zelkovas chéris!
Redémarrage fin novembre d'un Zelkova serrata qui n'avait plus de feuilles depuis avril, et dont toute la ramure est morte
En bref, un vrai cadeau de Noël avant l'heure!
Et comme un bonheur n'arrive jamais seul, c'est cette fois-ci un autre ami pépiniériste, Gilles Simon (à Gien dans le Loiret), qui nous a gâté en nous offrant une série d'arbres et arbustes rares qui sont venus considérablement enrichir la collection. Plus de détails à venir, mais à ce jour, l'inventaire des essences ligneuses au Flérial fait état de 259 taxons différents, auxquelles viennent s'ajouter un grand nombre de plantes herbacées, pas encore inventoriées.
Nombre d'entre elles ne résisteront probablement pas aux conditions très délicates du site, mais elles contribueront à constituer une liste des espèces et variétés les plus résistantes, ainsi qu'à savoir comment faire en sorte d'avoir une gamme aussi vaste que possible en adaptant les modes de culture et de plantation.
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