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Phytoremédiation et Phytorestauration-dépollution par les plantes

Publié le par le père Lenoir

Lits filtrants plantés de roseaux pour assainissement collectif. Escamp, Yonne.

Lits filtrants plantés de roseaux pour assainissement collectif. Escamp, Yonne.

Traitement de l’eau et des sols

par les plantes

Phytoremédiation et phytorestauration

 



 Depuis l’antiquité grecque et romaine, on a utilisé les plantes pour limiter les déchets humains. Du tas de compost en passant par la lagune plantée, un immense chemin a été parcouru jusqu’aux plantes dépolluantes OGM d’aujourd’hui.  A la fin du XVIème siècle, Césalpin (Andrea Cesalpino), un savant italien remarquable tant par ses travaux en médecine, en philosophie, qu’en botanique découvre une plante dont il remarque qu’elle pousse dans des roches particulièrement riche en métaux, Alyssum bertolonii dont il n’imagine pas qu’elle sera étudiée durant 130 ans, jusqu’en 1948 pour sa capacité d’accumulation des métaux lourds dans ses tissus, et ce en plus grande concentration que dans le sol où elle croît. C’est la première hyperaccumulatrice  identifiée, et ce n’est qu’à partir des années 1970 que ce type de plantes sera employé à la décontamination des milieux.


( voir aussi l'article "lagunage")


Phytoremédiation

 

La phytoremédiation est la décontamination par les plantes des sols, de l’eau et parfois de l’air pollué par des métaux lourds, hydrocarbures, toxines ou encore composés radioactifs.

 

On distingue différents modes d’épuration en fonction du type d’action des végétaux impliqués :

 

Phytoextraction :

C’est l’extraction des matières indésirables par l’intermédiaire d’une plante dont on prélèvera ensuite les parties où elles sont stockées *.

Principalement employée contre les métaux lourds et les particules radioactives (Sélenium, Cobalt et Uranium notamment). Les plantes sélectionnées pour leur résistance et leur capacité d’accumulation -on parle d’hyperaccumulateurs(-trices)- vont piéger dans leurs parties récoltables les polluants extraits de leur milieu qui, après fauchage à maturité, incinération et stockage des cendres en zone sécurisée, pourront éventuellement être retraités, présentant ainsi un intérêt économique non négligeable par la combustion opérée et le produit recyclé récupéré.

Généralement, les métaux lourds extraits par la plante seront stockés dans leurs vacuoles,

mais aussi parfois dans l’apoplasme selon certaines études encore en cours. Néanmoins, les organes de stockage principal ne sont pas toujours les même chez les différentes plantes, il peut s’agir des racines, des tiges, des feuilles principalement, mais aussi de la sève, des graines ou des bourgeons .

 

On remarque que les espèces présentent souvent une prédilection pour tel ou tel métal, et qu’il est généralement nécessaire de planter différentes essences pour dépolluer totalement un site. La culture est renouvelée jusqu’à obtention de taux acceptables dans le milieu.

 

Il est important de noter que seuls les métaux solubles seront biodisponibles, c'est-à-dire assimilable par les végétaux, et il arrive parfois que l’on soit obligé d’ajouter un chélateur (« agent transformateur ») pour que les ions métalliques soient libérés et libres d’absorption.

Une plante particulièrement étudiée, le Tabouret bleuâtre (Thlaspi caerulescens) a résolu ce problème en acidifiant elle-même le sol où elle pousse, se gavant littéralement de zinc qui, une fois dans ses tissus, protègera ses organes de la consommation par ses prédateurs herbivores de prédilection.

 

Parmi les exemples de phytoextraction, on peut citer celui de l’île aux corbeaux, au Québec, où un ancien site d’enfouissement de batteries est dépollué de son Zinc et de son Manganèse par des algues, ou encore les plantations de Tournesol dans la région de Tchernobyl en Ukraine contre le Cesium-137 et le Selenium.

 

Phytovolatilisation :

 

C’est la décontamination d’un milieu par des plantes dont l’action principale sera de capter les polluants et de les transformer ou de les transporter pour finalement les  évacuer par transpiration.

 

 

Dans certains cas, c’est la grande capacité d’évapo-transpiration du végétal qui est mise à contribution. Ainsi, des travaux US sur le genre Populus (peuplier) démontrent son efficacité dans la volatilisation du TCE (trichloréthylène) à hauteur de 90 à 96 %, neutralisé par sa transformation dans l’arbre. Il faut dire qu’avec la transpiration de 189 à 1134 l d’eau par jour, l’arbre a un métabolisme très élevé.

 

 

Phytodégradation :

 

 Il s’agit de la décontamination d’un milieu grâce à l’action dégradante des plantes cultivées sur les polluants. On appelle aussi ce procédé phytotransformation. Les plantes phytodégradantes absorbent donc les polluants, les dégradent, puis les volatilisent après les avoir transformés en composés moins toxiques.

C’est un processus utilisé notamment dans la gestion d’effluents organiques, des hydrocarbures*, des molécules complexes de produits phytosanitaires mais aussi des contaminations par des souches virales ou bactériennes. C’est le plus souvent l’action conjuguée des plantes et des bactéries (Pseudomonas, Xannthomonas…) et champignons à mycorhize (Aspergillus, Pennicilium, Pleurotus…) présents dans la rhizosphère qui  permet une efficacité optimale de cette méthode. En effet, les principaux acteurs sont aussi les plus petits : les bactéries et l’Hyphae des champignons (les  éléments du mycelium) qui pour les premiers dégradent les molécules grâce à des enzymes, et pour les seconds les adsorbent pour les rendre assimilables par les plantes. Cependant, leur action est considérablement améliorée lorsqu’elle se déroule au sein de la rhizosphère, les plantes produisant au niveau de leurs racines des nutriments carbonés à forte valeur énergétique tels les sucres, des acides aminés, des alcools mais aussi, comme dans le cas de la phragmite de l’Oxygène indispensable aux bactéries aérobies. Précisons en outre que les racines contribuent physiquement en tant que support massif à créer un milieu favorable à cette association.

 

Parmi les exemples de plantes phytodégradantes, en voici une sélection éloquente :

 

-Le maïs (Zea mais, poacées) est capable de dégrader les hydrocarbures dans sa rhizosphère

-Le Vetiver ( Chrysopogon zizanioides, poacées) est planté dans de nombreuses régions méditerranéennes, tropicales et subtropicales pour son action contre l’érosion ; mais on met aussi à profit son incroyable résistance à l’Atrazine (un herbicide très polluant) et sa capacité à briser la molécule avant rejet de composés inoffensifs par transpiration  avec une efficacité redoutable.

-Le piment (Capsicum annuum) et la coriandre (Coriander sativum) contribuent à éliminer le Lindane (pesticide mortel) en stimulant l’action des bactéries et en assimilant le produit transformer pour en éliminer rapidement 70% pour le piment et 86% pour la coriandre.

-La Jacynthe d’eau (Eichornia crassipes) élimine presque à 100% la Lambdacyhalotrine (Pyréthrinoïde de synthèse) d’insecticides comme le Karate ou l’Interteon.

 

Des travaux sont en cours sur des végétaux OGM

 

*On constate que les plantes peuvent pour la plupart supporter une concentration de 7T/ha d’hydrocarbures dans leur sol

 

 

Phytofiltration

 

Synonyme de rhizofiltration. C’est dans ce cas le piégeage des polluants dans les racines des végétaux. Peut s’ensuivre une dégradation lente, sans qu’elle soit pour autant effectuée par les végétaux eux-mêmes. Le produit piégé se dégradera « naturellement » mais n’aura pas migré entre-temps vers les eaux de consommation, les zones de pâturage ou les zones sensibles.

Il s’agit le plus souvent de bandes enherbées (riparian corridors) ou végétalisées (roseaux, laîches, saules…) pour bloquer les écoulements de produits phytosanitaires, notamment sur des aires de rinçage. Selon les types d’effluents, elles pourront être créées directement sur le sol ou bien dans un milieu clos, mais toujours avec de la terre et-ou du sable.

 

 

 

 

Phytorestauration

 

C’est le retraitement des eaux usées par l’intermédiaires de filtres plantés. L’eau en sortie de ce ou ces filtres est dépolluée et peut être rejetée dans le milieu naturel.

Les premières traces de phytorestauration datent de l’antiquité, mais ce sont les scientifiques allemands qui, dans les années 1950, analysèrent que ce sont essentiellement les bactéries présentes dans la rhizosphère qui dépolluent l’eau. En France, c’est le CEMAGREF (institue de recherche et d’ingénierie de l’agriculture et de l’environnement) qui a étudié dans les années 1980 les premiers systèmes de filtres fins plantés de roseaux.

 

L’eau, après un dégrillage ou le passage dans une fosse septique, et rejetée dans une série de lagunes comportant un substrat minéral (pouzzolane, gravier ou ballast)  et des végétaux (macrophytes). Dans certains systèmes, on trouve une lagune non plantée où viennent se développer naturellement des algues unicellulaires (microphytes). En fin de cycle, l’eau est réutilisée ou rejetée dans la nature ou une zone valorisable (par exemple une bambouseraie).

 

La vedette incontestée du lagunage est le roseau commun (Phragmites australis). Cette plante, très robuste, a de nombreux avantages :

elle présente un système racinaire profond, rare chez les espèces aquatiques

par son développement, elle limite la formation d’une couche colmatante en surface causée par l’accumulation éventuelle de MO (Matière Organique)

Par la minéralisation poussée de la MO, elle favorise le développement de micro-organismes cellulolytiques

En maintenant de l’ombre en été, elle permet le maintien d’une hygrométrie constante dans le substrat non submergé et ainsi la  stabilisation d’une bonne population bactérienne

 

Par leur volume racinaire, elles accroissent la surface de fixation des micro-organismes, les tissus racinaires et leur exsudat offrant une niche plus accueillante que le substrat seul

 

Leur intégration paysagère est impeccable

 

Elles possèdent un tissu particulier, l’aérenchyme, qui permet de transférer l’oxygène des parties hautes vers les rhizomes afin de se développer même en milieu asphyxiant.

 

Elles ont en outre une bonne tolérance aux alternances de périodes sèches et humides.

*Parmi les amusantes applications des plantes hyperaccumulatrices, le géochimiste australien Mel Lintern et son équipe du CSIRO ont découvert que certains eucalyptus étaient capables de stocker les métaux lourds dans leurs feuilles, afin de s'en débarrasser. Parmi ces métaux, son attention a été attirée par l'or, bien présent dans les tissus foliaires. Ainsi, les eucalyptus pourraient devenir de nouveaux détecteurs de gisements aurifères..    

 

(Article en cours de rédaction, voir aussi l'article "lagunage")

 

 

 

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